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🧠 Dominer, crier, tazzer : ce que les “Rogers” nous apprennent sur le pouvoir, la peur et la violence dans l’éducation canine

  • canispirit61
  • il y a 6 jours
  • 7 min de lecture
Roger et la sociologie

Dans le monde de l’éducation canine, il y a encore beaucoup de Roger. Tu sais, ce dresseur "à l’ancienne", convaincu que pour qu’un chien obéisse, il faut le soumettre. Roger te parle d’autorité, de hiérarchie, de meutes et de colliers électriques. Et surtout, Roger te parle de peur : celle du chien qui “prend le dessus”, celle du chaos si on n’impose pas des limites par la force.


Mais Roger n’est pas qu’un mec bourru avec une longe et des certitudes. C’est un symptôme. Celui d’un système qui valorise la domination, l’humiliation, le contrôle, et qui panique dès qu’on parle de bienveillance, de respect, ou de compréhension mutuelle.


Et ça, la psychologie et la sociologie l’ont parfaitement expliqué. Voici ce que les sciences humaines nous apprennent sur le comportement de Roger, et pourquoi il est temps d’en sortir.


1. 🔥 L’effet Lucifer (Philip Zimbardo)

Quand le système autorise la violence, des gens ordinaires deviennent violents.


Zimbardo, célèbre pour l’expérience de Stanford, montre que ce ne sont pas les “monstres” qui deviennent cruels, mais les humains normaux quand le contexte les y pousse. Si on donne à Roger du pouvoir, de l’impunité et une structure qui valorise la domination, il va en abuser — même sans s’en rendre compte.

👉 Dans un monde cynophile où les colliers étrangleurs sont présentés comme “normaux”, la violence devient acceptable.


2. 🪑 La banalité du mal (Hannah Arendt)

Le mal peut être exécuté sans haine. Juste par habitude. Sans penser.


Roger ne pense pas faire le mal. Il “fait ce qu’on lui a appris”. Il répète. Il obéit. Il transmet. Il ne questionne rien.

👉 La violence éducative est ainsi perpétuée non par sadisme, mais par conformisme. Et c’est peut-être ça, le plus dangereux.


3. 👁 Le panoptique (Michel Foucault)

Le pouvoir n’a plus besoin de surveiller : chacun s’auto-surveille en intériorisant la peur.


Roger agit comme un gardien de prison intérieure. Il pense que, sans contrôle strict, le chaos va venir. Il vit dans la peur constante que le chien prenne le dessus. Il a intégré les règles d’un système qui valorise l’obéissance au détriment de la relation.

👉 Il n’a plus besoin de chef : il est devenu lui-même l’instrument du système.


4. 🪤 La double contrainte (Gregory Bateson)

Tu es coincé quoi que tu fasses. Toute tentative de bienveillance est disqualifiée.


Si tu es ferme, tu es bien.


Si tu es doux, tu es naïf, dangereux, irresponsable.


Roger place les autres dans une impasse psychologique : soit tu fais comme lui, soit tu es disqualifié.

👉 C’est une stratégie classique de domination : fermer la porte à toute alternative.


5. 💣 La stratégie du choc (Naomi Klein)

Créer une crise pour imposer des solutions autoritaires.


Tu connais le discours :


« Si on interdit les colliers électriques, ce sera l’apocalypse : morsures, abandons, euthanasies ! »

Roger utilise la peur pour faire passer l’obsolète pour vital. Il dramatise, il invente des catastrophes, il prophétise la fin du monde canin.

👉 C’est une manipulation bien connue : exagérer la menace pour maintenir un pouvoir injustifié.


6. ⚡ La dissonance cognitive (Leon Festinger)

Quand tes actes et tes valeurs ne s’accordent pas, tu trouves des excuses pour éviter de changer.


Roger veut se voir comme un pro. Comme quelqu’un de bon. Mais voilà : la science, la société, l’éthique évoluent.


« Tu es violent, Roger. »

« Moi ? Pas du tout ! C’est pour son bien ! »


👉 Plutôt que de reconnaître l’inconfort, Roger renforce ses croyances, même quand les preuves sont contre lui. Il se raccroche à ses outils, ses traditions, ses slogans. Car changer, c’est douloureux.


7. 🎭 Le triangle dramatique (Stephen Karpman)

Un même individu peut alterner entre Persécuteur, Sauveur et Victime.


Roger est :


  • Persécuteur quand il te juge ("les bisounours sont des dangers publics").


  • Victime quand il se plaint ("on n’a plus le droit de rien faire !").


  • Sauveur quand il vend ses stages ("grâce à moi, ton chien va obéir au doigt et à l'œil").


👉 Ce triangle dramatique lui permet de conserver sa place dans le système, en jouant tous les rôles sauf celui du responsable adulte.


🧩 Ce que tout ça nous dit

Roger n’est pas seulement un individu. C’est une construction sociale. Il est le fruit :


  • d’un système qui valorise la violence plus que la vulnérabilité,


  • d’un savoir qui refuse de se remettre en question,


  • d’une peur de perdre le contrôle sur un monde qui change trop vite pour lui.


Les contre-arguments des Rogers – et pourquoi ils ne tiennent pas


Argument 1 : “La punition fait partie des 4 quadrants de Skinner”

La science comportementale valide les punitions, donc c’est ok.


🔎 Décryptage : Oui, Skinner a modélisé les quadrants. Mais il n’a jamais dit que tous étaient souhaitables ou sans danger. L’efficacité d’un outil ne suffit pas à justifier son usage. Les effets secondaires (peur, inhibition, stress, agressivité, rupture du lien) sont bien connus.


Argument 2 : “Oui mais ça marche !”

J’ai mis un collier à pics, il a arrêté de tirer. Preuve que c’est efficace.


🔎 Décryptage : À court terme, la peur inhibe le comportement. Mais elle n’enseigne rien. Ce n’est pas une preuve de compréhension ou d’apprentissage durable.

Tu as éteint le symptôme, pas traité la cause. Et tu as peut-être créé d’autres problèmes.


Argument 3 : “C’est ça ou l’euthanasie !”

Certains chiens sont trop dangereux, c’est le seul moyen.


🔎 Décryptage : C’est un chantage émotionnel. Il existe des alternatives respectueuses, même dans des cas complexes. La coercition n’est pas un dernier recours, c’est souvent une fausse solution rapide à un problème mal compris.


Argument 4 : “Ce chien est né dominant/agressif/déséquilibré”

Il faut des méthodes fortes pour ces profils.


🔎 Décryptage : Ce sont des idées dépassées. Les notions de dominance hiérarchique chez le chien domestique ont été scientifiquement démontées. Ce qu’on prend pour de la dominance est souvent du stress, de l’incompréhension ou un besoin non comblé.


Argument 5 : “On fait ça depuis 40 ans, c’est que c’est bon”

L’expérience vaut plus que la théorie.


🔎 Décryptage : L’ancienneté d’une pratique n’est pas une preuve. L’esclavage, les châtiments corporels et les saignées ont aussi duré des siècles. Ce n’est pas parce qu’un groupe croit à une méthode qu’elle est juste.


Argument 6 : “Mon véto/formateur l’a dit, donc c’est bon”

Appel à l’autorité.


🔎 Décryptage : Même des professionnels peuvent être mal formés. La compétence dans un domaine (santé, dressage, police, etc.) ne garantit pas une éthique éducative ou une connaissance actualisée.


Argument 7 : “C’est facile de parler quand on est en ville / en salon”

Dans le monde rural, avec des chiens de travail, on n’a pas le temps pour vos histoires.


🔎 Décryptage : Le respect du vivant n’est pas une question de lieu. Il existe des éducateurs bienveillants en refuge, en campagne, sur les terrains de sport. Ce n’est pas une opposition rural/urbain. C’est une question de choix éthique et de compétence réelle.


❌ Argument 8 : “Avec un chien fort et de caractère, vos méthodes ne marchent pas”

La bienveillance, c’est pour les chiots ou les chiens fragiles. Pour un “vrai” chien, il faut une main ferme.


🔎 Décryptage : Ce mythe repose sur une confusion entre force et violence.

Un chien dit “de caractère” est souvent :


  • mal compris,


  • mal canalisé,


  • ou simplement très intelligent et sensible.


La fermeté n’implique pas la brutalité, et les chiens “puissants” (malinois, staff, husky, berger, etc.) ont encore plus besoin de structure, de prévisibilité, de clarté relationnelle.

Des éducateurs compétents obtiennent des résultats solides sans cris ni colliers - même avec des chiens classés “difficiles”.


👉 Ce n’est pas une question de race ou de force, c’est une question de compétence, de posture et d’intelligence relationnelle.


❌ Argument 9 : “Le jour où vous n’avez plus de friandises, le chien n’obéit plus”

Vous êtes dépendants des récompenses. Sans bouffe, plus rien ne marche !


🔎 Décryptage : Cette idée repose sur deux erreurs majeures :


  • Confondre “récompense” et “friandise”,


  • Ignorer le processus d’apprentissage par renforcement.


La récompense, ce n’est pas que la bouffe. C’est tout ce que le chien trouve motivant :

– une caresse,

– un mot doux,

– un moment de jeu,

– l’accès à une ressource (balade, liberté, rencontre),

– le regard ou la présence du gardien,

– un lancer de balle,

– une odeur intéressante…


👉 Ce sont des renforçateurs - et ils sont partout si tu sais les reconnaître.


Et surtout :

✅ Quand le comportement est bien appris, on ne renforce plus systématiquement.

On renforce aléatoirement, avec variété et valeur émotionnelle.

Le chien n’obéit pas pour la friandise, il obéit parce qu’il sait quoi faire, il comprend, et il fait confiance.


🧠 L’objectif, ce n’est pas de “le faire obéir à tout prix”, c’est de lui apprendre durablement, avec plaisir.


❌ Argument 10 : “Ça prend trop de temps”

Vos méthodes, c’est bien joli, mais dans la vraie vie, on n’a pas le temps. Il faut que ça aille vite.


🔎 Décryptage : Ce discours valorise la rapidité apparente au détriment de la solidité réelle.Oui, certaines méthodes coercitives donnent une illusion d’efficacité immédiate : le chien se fige, se tait, obéit par peur.


Mais cette obéissance est souvent :

  • fragile,

  • dépendante du contexte ou de la présence de l’humain,

  • génératrice de stress,

  • contre-productive à long terme (régression, troubles, rupture du lien).


✅ Les méthodes respectueuses, elles, demandent un investissement de départ, mais elles créent :

  • un apprentissage durable,

  • une relation de confiance,

  • un chien qui coopère volontairement

  • et surtout… moins de problèmes à long terme.


👉 Prendre le temps au début, c’est en gagner énormément après. Ce n’est pas “lent”, c’est intelligent et structurant.


Ce qu’on défend ici, ce n’est pas une utopie. C’est une voie possible. Et déjà existante.

Il ne s’agit pas de “bisounours contre virilistes”.

Il s’agit de relation contre domination.

De compréhension contre contrôle.

D’une éducation canine qui élève, pas qui soumet.


Et si on veut vraiment parler d’efficacité, alors mesurons-la dans le lien, la durabilité, la sécurité émotionnelle - pas juste dans le silence ou l’immobilité.


Mais surtout :

👉 Roger n’est pas irrécupérable.

Il peut comprendre. Il peut évoluer. À condition qu’on lui montre que le pouvoir ne réside pas dans la peur, mais dans la relation.


💡 Et maintenant ?

Il est temps de faire de la place à un autre modèle :


  • un modèle où la compétence ne se mesure pas à la fermeté,


  • où l’autorité ne rime pas avec domination,


  • et où l’intelligence émotionnelle a autant de valeur que la technique.


Les chiens changent. Les humains aussi.

Il est temps de sortir du théâtre de Roger et d’écrire un autre scénario. Plus juste. Plus respectueux. Plus vivant.


🖋 Sabrina Ricard / Cani’Spirit

Educateur comportementaliste Canin


Votre chien n’est pas un problème à résoudre.

C’est un être à comprendre.

Et peut-être que Roger aussi.

 
 
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