Le chien sensible, c’est ma spécialité.

Ceux qu’on dit trop émotifs, ingérables, instables.

Ceux à qui on coupe la parole sous prétexte de “remettre du cadre”.

Ceux qu’on fait taire, parfois jusqu’à les briser.

Moi, je les entends.

Je travaille avec eux chaque jour. Et je vois à quel point leur sensibilité, si on sait l’accueillir et la guider, devient une force.

Mais pour ça, il faut une approche adaptée. Fine. Respectueuse. Et malheureusement, c’est souvent tout l’inverse qui leur est proposé.

Et c’est là que le problème dépasse le chien.

Parce que dans l’éducation canine, on continue d’associer autorité à virilité.

On valorise l’attitude “sûre de soi”, la voix qui tonne, la posture de “chef de meute” — même quand l’efficacité n’est pas au rendez-vous.

Et trop souvent, ce sont les hommes qu’on écoute en premier. Même sans formation, même avec peu d’expérience.

Les femmes éducatrices, elles, doivent encore prouver leur légitimité, justifier leur douceur, expliquer leur posture non coercitive.

Et pourtant, ce sont souvent elles qui réussissent là où les méthodes brutales échouent.

Parce qu’elles savent écouter. Observer. Lire entre les lignes du comportement.

Parce qu’elles ne cherchent pas à dominer, mais à comprendre.

Parce qu’elles n’éteignent pas un symptôme — elles en cherchent la cause.

Mais dans l’imaginaire collectif, “éduquer un chien”, c’est encore un job de mec.

Un boulot de gars costaud, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, qui “fait obéir”.

Et ce biais-là, aussi invisible qu’il soit, fait du mal aux chiens.

Parce qu’à force de chercher la poigne, on passe à côté de la relation.

Parce qu’à force de vouloir dominer, on oublie d’accompagner.

Parce qu’un chien sensible qu’on ne respecte pas, ça ne s’apaise pas.

Ça s’effondre. Ou ça explose.

Alors oui, ma spécialité, ce sont les chiens sensibles.

Mais ce que je défends, c’est bien plus grand :C’est la nécessité de repousser l’image virile de l’éducateur canin.

Et de reconnaître enfin que les femmes, avec leur sensibilité et leur intelligence émotionnelle, sont une richesse pour cette profession — et pour tous les chiens qu’on étiquette trop vite comme “à problème”

Sabrina Ricard / Cani'Spirit

EducatricE Comportementaliste Canin

Spécialiste du chien sensible et de la relation Homme-Chien